Ma chère poupette,
Au début je suis partie tête baissée. Comme je l’avais appris : en battante. J’ai décidé, donc j’aurais. Je désirais, donc j’aurais.
Pression.
Pression extérieure.
Pression aussi que je me suis mise toute seule sans même m’en rendre compte.
Pression du temps qui passe très vite, toujours plus vite, de plus en plus vite.
Pression de l’âge, pile entre 30 et 40 ans.
Pression des résultats médicaux, qui ne sont pas bons, on m’avait prévenu « au-dessus de 35 ans les chances s’amenuisent complètement ».
Pression des « il faut », « pour réussir sa vie », « pour être une femme épanouie », « pour vivre sa meilleure vie », « rien de tel qu’avoir un enfant ».
Pression du cycle, qui revient chaque mois, associé à l’échec car cela ne fonctionne pas naturellement.
Pression de la comparaison dès l’annonce d’une grossesse et encore plus avec cette terrible phrase « j’ai essayé une seule fois et ça a marché tout de suite » qui venait chaque fois amplifier le coup de couteau que je ressentais dans mon cœur…
Impatience aussi.
Impatience de passer à une autre étape de vie.
Impatience de vivre une nouvelle expérience.
Impatience car on a de plus en plus l’habitude d’avoir presque tout, tout de suite. L’instantanéité partout et tout le temps.
Tomber enceinte devient alors l’objectif et le challenge pour moi. J’en oublie même la finalité ; j’en oublie même la raison d’être de mon désir…Je perds carrément le sens de ce parcours rythmé de la PMA.
Et pourtant !
Je ne fais pas ça pour « réussir ».
Ce n’est pas pour « aller vite ».
Ce n’est pas pour répondre à un besoin, une envie ponctuelle.
Ce n’est pas pour « cocher une case des « must have » qu’une expérience de vie offre. Ce n’est pas non plus juste pour me faire plaisir et assouvir ce simple désir de devenir mère.
Non. J’ai bien oublié l’essentiel.
Je l’ai oublié dans le rythme effréné des résultats qui tombent et qui déçoivent, des rencontres avec une multitudes de spécialistes pour une multitudes d’analyses, des rdvs dans tous les sens….
Je l’ai oublié dans ma peur de l’échec.
Je l’ai oublié aussi dans le regard des autres : les non-dits, les commentaires, les remarques…
Mais alors pourquoi est-ce que je me suis embarqué dans ce parcours déjà ?
C’est par AMOUR. Pouvoir en donner et en recevoir, dans les moments faciles et les moments difficiles.
Pour t’accompagner sur un bout de ton chemin de vie.
Pour t’apprendre les limites plus ou moins visibles du cadre de vie de la société dans laquelle tu vas évoluer.
Pour te donner des clés pour t’apprivoiser et apprendre à te comprendre.
Pour te chérir. Dans les moments faciles et dans les moments difficiles.
Pour te soutenir. T’écouter. Répondre à tes interrogations.
Pour pouvoir partager avec toi ce que j’ai appris, moi. Pour t’apprendre qu’il n’y a pas que des vérités, que les choses ne sont pas aussi simples que c’est bien / c’est mal ; qu’il y a une raison cachée à toute chose et à toute situation.
Pour te voir grandir, te découvrir.
Pour te voir t’interroger et découvrir le monde.
Pour rire, jouer, chanter, danser, lire, cuisiner, faire de la corde à sauter, randonner, faire de la balançoire, regarder les nuages, ramasser des fleurs, faire des dessins, pédaler à vélo, découvrir tes amis, fêter tes anniversaires, te faire des tours de magie, te lire des livres, que tu me lises des livres, faire des crêpes et des pizzas,…..
Alors dans un certain sens, merci la PMA.
Tu m’as donné l’opportunité de préparer une partie de tout cela en amont.
Tu m’as permis de réfléchir à ce que voulait dire « parentalité » pour moi, pour notre couple. Dans un monde d’accélération, où il est de plus en plus difficile de ralentir, de prendre du recul, j’ai eu la chance que ce temps soit plus long.
Tu m’as appris à changer de vision sur moi-même : commencer à travailler ma patience, ainsi que ma confiance en moi et en la vie de manière général, à mettre mes lunettes roses au lieu des grises. Et tant d’autres choses …
Avec tout mon amour,
Maman