Émilie Record Accompagnement

#9. Confidences sur l’oreiller

Lettres à ma fille

Chaque soir, le rituel est le même depuis que tu es petite ; la seule chose qui change c’est que nous alternons : un soir papa, un soir maman. Ça s’est fait tout seul.

Celui-ci commence par le « stylo magique » (nom donné à la piqûre d’hormones, qui se fait chaque soir avant le coucher pour plus d’efficacité – les hormones de croissances agissant particulièrement la nuit) puis lavage des dents et petit tour aux toilettes. 

Ensuite arrive le temps de la lecture. Une histoire ou plusieurs histoires, cela dépend des soirs. Parfois c’est moi qui choisis le livre, parfois c’est toi. Tu as tes préférés bien entendu et j’ai les miens (« Je suis moi et personne d’autre » de Baptiste Beaulieu par exemple).

Et puis arrive le moment du « Merci la bonne journée », que nous avons inventé ensemble et que nous ne faisons pas systématiquement, en fonction des envies du soir… Moment de partage et de gratitude. En général nous remercions chacune à notre tour une chose qui nous a marqué dans la journée : une rencontre, un rire, le soleil, les fleurs, la visite, l’expérience ou bien d’autres choses encore. Moment complice …. 

Puis pour finir, le bisou et le câlin… souvent signe que je vais pouvoir souffler et avoir mon temps à moi, enfin ! 

Mais c’est souvent à cette étape là qu’il se passe chaque fois une chose étrange …. Et ça commence bien souvent par : « Maman, tu sais …… », ou « Maman j’ai besoin de te dire quelque chose… », ou encore « Maman, aujourd’hui je me suis fait mal et … ». 

Celles-ci sont plus ou moins inventées ou recherchées en fonction de la volonté de s’endormir ou non et fonction aussi de ce qui s’est passé de marquant dans la journée. Elle se sont ajoutées au fil du temps au rituel initial, besoin de parler de choses importantes pour toi dans un moment cocooning juste avant de dormir…

Et à partir de là, pour moi, tout est une question de fatigue et de disponibilité supplémentaire ou non … 

Le plus souvent, je suis à l’écoute. 

Parfois il y a des pépites qui sortent sur des questions existentielles, parfois ce sont tes inquiétudes relatives à l’école, d’autres fois encore des questions sur l’avenir, ou sur l’actualité, ou tout simplement tes prises de consciences …et quand ce n’est pas tout ça, souvent c’est juste pour me dire au creux de l’oreille : « Je t’aime très fort, maman ».

Et certains rares autres soirs, je suis trop fatiguée et donc pas du tout à même d’écouter. Et je vais alors couper court, après m’être assurée que tu n’avais rien de grave à dire… « Non pas ce soir, je suis fatiguée, j’ai besoin de me poser un peu ». A nouveau, poser mes limites. 

Et dans ce cas, tu vas demander à jouer 3 minutes. Ou 5. Comme si tu te rendais compte du temps qui passe et la valeur de ce 3 ou 5…. Et là je te vois écrire dans ton carnet secret des calculs mathématiques, faire des dessins ou ta liste au père noël au mois de février pour décembre de l’année d’après… pour enfin finir sur « Papa, maman, bonne nuit je vais dormir maintenant !». 

Quelles que soient les circonstances tu restes naturellement dans une mesure – tu comprends, tu ne ressens pas de frustration : jamais de pleurs, parfois tu râles un peu quand tu n’as pas joué autant que tu le voulais mais cela s’arrête tout seul très vite… 

Quelle chance j’ai ! C’est un peu comme si ta maturité venait contrebalancer et compenser les difficultés physiques que tu as eues depuis ta naissance …. Étrange sensation dans un sens, mais surtout énorme sentiment de gratitude que d’avoir la chance d’accompagner une petite fille comme toi à grandir : tu es remplie de sagesse !