Ma chère Poupette,
Une amie proche et chère m’a dit un jour que pour elle, l’équilibre c’était l’acceptation.
Au gré des vagues plus ou moins fortes et impressionnantes de la vie, et en fonction de la façon dont j’arrive, en tant que capitaine de mon bateau, à orienter mes voiles dans la bonne direction, je me rends compte avec le recul, que c’est un exercice que j’ai fait à de nombreuses reprises dans mon parcours pour devenir maman…
Et sur mon chemin à moi, « accepter » danse avec « décider ».
Accepter de franchir le cap.
Décider de dépasser une de mes plus grandes peurs : donner la vie avec la crainte que du jour au lendemain celle-ci disparaisse, comme cela a été le cas pour ma mère et ma grand-mère.
Accepter chaque mois, que malgré ma décision, mon corps semble avoir besoin, lui, de plus de temps encore, … et que je ne peux rien y faire…
Décider de lâcher certaines croyances : non, la vie ne se contrôle pas !
Accepter le bilan des médecins : nous devons faire une FIV.
Décider de m’en remettre entre leurs mains expertes et donc me trouver une nouvelle place dans ce désir et ce projet d’enfant.
Accepter que le déroulé des évènements ne se passe pas du tout comme je l’avais imaginé.
Décider de lâcher prise une première fois.
Accepter les injections et les douleurs, les pensées obsessionnelles, la danse des émotions, les tensions au sein du couple, les questions et remarques qui se veulent être bienveillantes, cette sensation d’incapacité, la culpabilité, … au gré de ce que l’on traverse intérieurement…
Décider de trouver les bonnes personnes pour m’accompagner et de continuer à croire en la réussite de ce désir.
Décider de visualiser un futur heureux.
Accepter qu’en une échographie, une grossesse normale bascule dans un suivi hyper médicalisé ; que l’étape de PMA ne m’épargnerait pas une suite difficile elle aussi…. Suivi d’abord bi- hebdomadaire puis quotidien car il y a trop de risque pour le bébé ; et pour moi un arrêt de travail avec pour recommandation de ne pas trop en faire ; soit passer d’un emploi du temps chargé … à … rien…
Décider d’apprendre à faire de ce temps un temps pour moi : être à mon écoute et préparer le terrain pour ton arrivée, à ma manière.
Accepter de faire confiance : en moi, en ton papa, en toi, en les médecins et sages femmes qui nous entourent, en la vie en général.
Décider de changer mon rapport aux autres et à moi-même : beaucoup moins de jugement et bien plus de bienveillance.
Accepter les hospitalisations, les prises de décisions – vitales parfois : amniocentèse tardive, injection de corticoïdes, déclenchement prématuré, naissance naturelle alors que le rythme cardiaque devient très faible.
Décider de croire en moi, en mon ressenti pour avancer avec plus de justesse et de sérénité.
Accepter que tu restes en néonatologie et que moi je rentre à la maison au lieu que nous soyons ensemble ; réaliser que tout peut basculer du jour au lendemain, malgré toutes les précautions prises et la grande expertise de ceux qui te suivent.
Décider de trouver une autre forme de connexion entre nous : tout ne passe pas que par le corps.
Accepter que personne ne sait ce que tu as, qu’on a du mal à trouver, qu’il faut s’armer de patience.
Décider de garder confiance en mes ressentis et en toi aussi.
Accepter l’attente. Plein de fois. Toujours. Encore et encore.
Décider de savourer le quotidien pour ne pas se faire envahir par les peurs, les contraintes et le « à faire » …
Accepter le verdict de ta maladie invisible et les conséquences.
Décider de me concentrer sur l’espérance ; espérer que tout va aller mieux, encore et encore et encore.
Accepter de ne rien pouvoir y faire, encore.
Accepter l’inquiétude permanente, les visites régulières aux urgences, la multiplication des RDVs.
Accepter de se tromper, ce n’est pas grave.
Accepter que tant que tu es dans cet état, ma priorité sur tout, c’est toi bien sûr.
Décider de demander de l’aide : ta nounou qui vient le soir à la maison te donner ton dîner car ça marche beaucoup mieux avec elle, les grands parents qui s’alternent pour me soutenir quand je suis seule jour après jour avec toi, mon RH au travail pour trouver des solutions de disponibilité en temps…
Accepter que tu sois hors norme : en poids, en taille, en résistance mais aussi en maturité, en gestion de la douleur et des maladies.
Décider de dénoncer la notion de « norme » qui n’existe pas et qui ne veut rien dire. Nous sommes tous des êtres différents qui avons nos trésors à porter au monde !
Décider de m’affirmer telle que je suis, avec mon histoire, son impact et en témoigner.
Décider de lever la voix parfois pour se faire entendre et aménager ce qui est aménageable pour toi, pour te faciliter les choses et que surtout, surtout, tu gardes confiance en toi en toute circonstance… :
- Parfois auprès des médecins
- Parfois auprès des maitresses
- Parfois auprès des autres enfants
- Parfois au travail
- …
J’espère prendre les bonnes décisions.
Je ne fais que suivre mon intuition avec ce que j’ai à disposition ici et maintenant…
Avec tout mon amour,
Maman
« Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé, le courage de changer ce qui peut l’être, mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre. »
— Marc Aurèle