Ma chère poupette,
La première fois qu’un gynécologue m’a pressée à avoir des enfants, j’avais 25 ans.
L’âge « optimal » pour une femme, paraît-il — mais ça, je l’ai découvert plus tard. J’en étais loin. Je vivais ma meilleure vie de célibataire, sans compagnon stable, sans projet d’enfant. Et sans envie non plus. C’était beaucoup trop loin. Impensable.
Mais le désir d’enfant, ça ne se contrôle pas. Il ne se décide pas sur ordonnance.
Je rêvais d’un foyer stable, serein, bâti sur un amour sincère et inconditionnel. Ce rêve s’est construit plus tard.
La première fois qu’on m’a dit qu’il me faudrait de l’aide pour tomber enceinte, je n’ai pas été surprise.
J’y avais déjà pensé. J’ai toujours eu tendance à anticiper le pire, pour m’y préparer. Quand les premiers résultats sont tombés, j’ai été déçue. Comme si je n’avais pas réussi un examen. Pourtant, j’avais tout “bien fait” : une alimentation saine, du sport, une bonne santé mentale, un bon boulot, un cadre de vie épanouissant, un mari formidable. Alors… pourquoi ?
La première fois qu’on m’a parlé de PMA, je ne savais pas ce que cela signifiait réellement.
Juste une chance d’être aidée, pensais-je. J’étais loin d’imaginer la complexité du parcours. Une complexité bien au-delà du simple corps.
La première fois qu’on m’a proposé d’entamer un protocole, j’ai crié non.
C’était trop tôt. Je n’étais pas prête, ni dans ma tête, ni dans mon cœur, ni dans mon corps. Tout allait trop vite. Je n’avais pas eu le temps d’intégrer, de ressentir, de comprendre.
La première injection a été un moment très difficile.
Le geste, d’abord. Puis les effets secondaires, le côté chimique, artificiel… J’ai pleuré. Ce jour-là, j’ai compris que ça allait demander bien plus que de suivre les consignes à la lettre. Et que je ne pourrais pas y arriver seule. Il me faudrait de l’aide.
La première fois que j’ai dû en parler à ma manager, je ne savais pas comment m’y prendre.
Ce n’est jamais facile d’exposer sa vulnérabilité, même avec une personne bienveillante. Et pourtant, les mots sont sortis naturellement. Elle a accueilli mon récit avec douceur, écoute et respect. Cela a été un soulagement. Une libération. On a pu s’organiser. Et tout est devenu plus fluide.
Le premier échec est passé presque inaperçu… sur le moment.
Puis le poids est arrivé : colère, culpabilité, tristesse, incompréhension. J’avais tout fait “comme il faut”. Pourquoi ça n’avait pas marché ?
Heureusement, j’étais accompagnée. J’ai pu en parler. Mettre des mots sur mes émotions. C’est là que j’ai commencé à explorer d’autres dimensions que le physique : mes freins intérieurs, ma peur de devenir mère…
Et puis il a fallu recommencer. Tenir. Se soutenir. Se relayer. Garder la force, le courage, l’envie, l’espoir. Tomber. Se relever. S’épuiser. Respirer. Patienter. Aimer.
Une danse continue, sur un chemin escarpé, sans carte ni repère.
Avec l’apprentissage, parfois brutal, de ne pas se perdre : revenir à soi, s’ancrer, se respecter, s’écouter, poser ses limites, créer de l’espace en soi pour tenir.
Aujourd’hui, avec le recul, je peux dire que ce chemin, aussi rude soit-il, m’a profondément transformée. Il m’a appris à m’écouter, à me choisir, à ne plus me trahir.
Et c’est avec cette conscience-là que j’accompagne aujourd’hui cette étape difficile.
Pas pour conseiller. Pas pour imposer quoi que ce soit.
Juste pour être là. Présente, à côté. En soutien. En confiance. En respect du rythme, des besoins et des ressentis.
Parce que parfois, c’est tout ce dont on a besoin pour avancer.
Avec tout mon amour,
Maman